
Memento mori, une montre en forme de crâne, Vienne, c. 1820 © musée de l’Horlogerie Beyer Zurich
Heures mortelles…
En latin « souviens-toi que tu es mortel », Memento mori est une thématique privilégiée dans la lecture du temps. Le crâne est utilisé comme symbole pour rappeler que rien n’est éternel.
L’exposition lausannoise comprend également des modèles plus récents par l’artiste suisse John Armeleder et la designer Fiona Krüger.
Tremplin à l’imaginaire
Ensuite, pour raconter l’heure, l’homme a donné libre cours à son imagination: heures vagabondes, heures chantantes ou sautantes, cadran pour le jour distinct de celui de la nuit, grandes complications avec les phases de la lune, portraits royaux dessinés dans l’émail, cercles, carrés et triangles.
Cela n’a pas toujours été le cas, indique Fabienne Sturm. La fabrication des garde-temps était à l’origine réalisée intégralement par les horlogers, jusqu’à l’apparition de marchands qui ont agi comme des établisseurs en horlogerie, confiant les étapes de la fabrication à une multitude de divers métiers, orfèvres, émailleurs, graveurs, ciseleurs, poseurs de paillons, etc. «C’était déjà du design sans en avoir le nom», précise-t-elle.
Genève est rapidement devenue une plaque tournante dans le domaine de l’horlogerie, aidée par la proximité du Jura et son rude climat: pour rester occupés pendant les longs mois d’hiver où leurs activités étaient réduites, les fermiers se sont mis à la fabrication horlogère. De précieux savoir-faire ont été développés.
Cherchant à faire le lien avec l’époque contemporaine, le musée du design a tenu à inclure des travaux d’artistes également inspirés par la lecture du temps. Sont ainsi exposées des œuvres fabriquées avec les chiffres à bascule aléatoires, des vidéos en temps réel, des cils qui balaient et encadrent, des machines à tricoter, un téléscripteur, des papiers découpés ou encore des perles de collier fabriquées par des artistes de grand renom tels que Darren Almond, John Armleder et Gianni Motti, associés à de jeunes créateurs. On y découvre de nouvelles façons décalées, ingénieuses, bizarres et humoristiques de capter le temps.

Maarten Baas, Grandfather Clock de la série Real Time, installation vidéo, 2009 © Carpenters Workshop Gallery. Photo : Adrien Millot
Heures dessinées…
Designer néerlandais, Baas a créé deux versions de son horloge en temps réel où des acteurs inlassablement effacent et redessinent l’heure qui passe pendant 24 heures, une version Papy pour le « Grandfather Clock » et une version Mamie pour la « Grandmother Clock ».
L’avenir de la montre
En terminant la sélection avec l’Apple Watch, l’exposition n’esquive pas la discussion sur l’avenir de la montre. Alexis Georgacopoulos, directeur de la célèbre ECAL, l’Ecole cantonale d’art de Lausanne, qui a assuré la scénographie de l’événement, remarque que les élèves de son école ne portent quasiment pas de montres. Il prévoit cependant que des modèles des années 60 et 70 au design «assez fort» reviendront au goût du jour.
Quant à l’Apple Watch, il estime que son succès dépendra de sa capacité à être renouvelée aussi souvent qu’un téléphone mobile. Alexis Georgacopoulos ajoute, non sans provocation, que l’arrivée de la montre connectée devrait obliger les marques horlogères traditionnelles à agir.
Une maison a déjà pris la balle au bond. Jean-Claude Biver, le patron de Tag Heuer, annonce le lancement d’une smartwatch dès cet automne. Il espère qu’Apple vendra «des millions et des millions de montres» afin que les jeunes se remettent à en porter. Jean-Claude Biver est persuadé qu’ils se tourneront ensuite vers des marques différentes lorsqu’ils ne voudront plus porter la même que tout le monde.
Le groupe Smartwatch, basé à Zurich, prévoit des ventes de 27 millions de montres connectées cette année et de 650 millions d’ici 2020. «Lorsqu’on parle du temps, la philosophie n’est jamais loin», avance Fabienne Sturm. En présentant en parallèle des collections historiques et des créations contemporaines, l’Eloge de l’Heure questionne notre perception du temps et nous fait avancer dans une ère nouvelle.
L’Éloge de l’heure rassemble plus de 130 objets provenant de toute l’Europe. Les pièces historiques sont issues de collections privées comme de collections publiques majeures, notamment du Musée International d’Horlogerie (MIH) de La Chaux-de-Fonds, du Musée de l’horlogerie Beyer Zurich, du Musée d’Horlogerie du Locle – Château des Monts, du Musée du Louvre de Paris ou encore du Musée de Arts Décoratifs de Paris, ainsi que des collections patrimoniales de grandes maisons horlogères comme Vacheron Constantin, IWC ou Jaeger-LeCoultre. La scénographie a fait l’objet d’une collaboration avec l’ECAL/Ecole cantonale d’art de Lausanne et est signée d’une équipe menée par le designer industriel Adrien Rovero.
En parallèle à l’exposition du mudac, le Centre d’Art Contemporain d’Yverdon-les-Bains (CACY) présente L’heure qu’il est, du 29 août au 1er novembre 2015. Sous la houlette de sa directrice, Karine Tissot, par ailleurs chargée de mission scientifique pour L’Éloge de l’heure, des artistes contemporains apportent leur grain de sable à la réflexion sur le temps. Après sa présentation à Lausanne jusqu’au 27 septembre 2015, L’Éloge de l’heure déménagera en 2016 aux Arts Décoratifs de Paris.
Le mudac (Musée de design et d’arts appliqués contemporains) de Lausanne s’est taillé une place importante dans le panthéon des musées de design. Ses expositions mettent en relation les talents locaux (souvent issus des écoles de design réputées de Lausanne et Genève) avec les designers du monde entier. Alors que le design issu de la partie alémanique de la Suisse se distingue par sa fonctionnalité robuste et son minimalisme, le design en Suisse romande est reconnu pour son inventivité et sa fraîcheur.
La directrice du mudac, Chantal Prod’hom, a précédemment dirigé la Fondation Asher Edelman à Lausanne et la Fabrica de Benetton en Italie. Le mudac est destiné à intégrer le nouveau pôle muséal qui sera construit à la gare de Lausanne, conjointement avec le Musée des beaux-arts et le Musée de la photographie de l’Elysée.
Heures mystérieuses, heures aléatoires, heures vagabondes, secrètes ou chantantes, l’exposition L’Eloge de l’heure au mudac (Musée de design et d’arts appliqués contemporains) de Lausanne rend hommage à l’ingéniosité de l’homme pour raconter le temps.
De 1550 à nos jours, les 130 pièces exposées à Lausanne sont organisées par thématiques qui suscitent la réflexion, l’admiration ou l’amusement. Le dialogue entre les pièces de collection précieuses et les créations contemporaines rappelle combien l’affichage du temps reflète et renvoie les sensibilités de chaque époque.
Dans des matériaux aussi divers que le verre, le papier, la vidéo ou des plumes, des horlogers, artistes et designers offrent un aperçu des 1000 façons d’afficher le temps.

Éric Morzier, Horloge tactile, horloge murale, 2005 © Éric Morzier/SIGMASIX/Écal
Heures tactiles…
Sur un écran, des points dansent. En touchant l’écran tactile du doigt, une horloge avec le temps réel se forme et disparaît aussitôt le doigt levé. L’intention d’Éric Morzier est d’illustrer la fugacité du temps.

Girard Perregaux, 1935 © Girard Perregaux, La Chaux-de-Fonds. Photo : David Baumann
Heures sautantes…
Montre-bracelet avec 3 guichets distincts pour les heures, les minutes et les secondes, sa particularité étant que l’heure est « sautante » et avance de 5 en 5 pour les minutes et de 10 en 10 pour les secondes.

Vacheron Constantin, montre de poche, Genève, 1930 © Vacheron Constantin
Heures mystérieuses…
Montre de poche dite « bras-en-l’air ». Le Chinois, sur pression du poussoir situé sur la carrure, lève le bras droit qui indique les heures, et le bras gauche qui indique les minutes. Bel exemple de l’heure mystérieuse qui se cache tant que le pressoir n’est pas appuyé.

Martin d’Esposito et Alexandre Gaillard, Swiss Koo, Poya, 2014 © Swiss Koo
Heures d’alpage…
Issus de l’École cantonale d’art de Lausanne (l’Écal), deux anciens élèves ont créé leur propre société, Swiss Koo, pour la fabrication de « cuckoo clocks », un genre délaissé qu’ils ressuscitent avec un amour du kitsch revu et corrigé par le design.
Poya désigne la transhumance du bétail qui rejoint les alpages à la belle saison. Cette œuvre rappelle par ailleurs la tradition des papiers découpés, qui à l’origine servaient d’inventaire au nombre de vaches par propriétaire.