Le mudac à Lausanne consacre une importante exposition à Stefan Sagmeister. L’artiste autrichien établi à New York est le plus conceptuel des ad-men et le plus chic des graphistes art-pop. Avec ses mises en scène provocantes et absurdes, un sens de l’humour débridé mais élégant, Sagmeister est passé maître dans le ‘over-statement’ visuel au service de ‘l’under-statement’ commercial.
Pictured above: Stefan Sagmeister, « Singes en Ecosse », 2007 (détail) 6 sculptures gonflables géantes © Stefan Sagmeister.
Sagmeister, c’est le minimalisme érigé en expression artistique, l’imagination au service de l’efficacité.
« Je vends la culture, les corporations, mes amis et moi-même » annonçait-il lors de l’inauguration de son exposition le 6 mars 2011.
« J’étais tenté, à l’occasion de ce projet, de m’éloigner du design. Mais, en somme, c’est quelque chose que j’ai souvent fait, alors j’ai décidé, au contraire, d’entrer de plein pied dans le commercial en ne présentant que des commandes. »
jusqu’au 13 juin 2011, « Encore une exposition sur la promotion et la vente », le titre de la 11ème exposition de la série « carte blanche » du mudac -le musée de design et arts appliqués à Lausanne – explore l’efficacité de l’image au service du message.
« L’impact culturel d’un message m’importe encore plus que son résultat en terme de chiffres d’affaires, » explique Sagmeister.
« Du reste, plus les spécifications (the brief) sont longues, moins le projet sera bon, » précise-t-il.
« Notre mission est de révéler la puissance de la vie, » (the power of life) Sagmeister déclare sans sourcilier, ses lèvres posées dans un immobilisme que ses yeux contredisent.
L’exposition à Lausanne est une retrospective qui retrace l’acheminement d’un créatif touche à tout sans tabous. Il joue avec les mots autant qu’avec les objets. Une chaise réalisée comme un bloc note ondulé, avec des affiches qui s’effeuillent, et une table magnétisée révèlent une imagination hors limites, mais pragmatique, car ces objets, ô surprise, sont merveilleusement utilisables.
L’artiste publiciste s’est d’abord fait un nom dans la musique. Designer attitré de David Byrne, Bryan Eno, Talking Heads, Lou Reed et, occasionnellement, des Rolling Stones, il a trouvé, dès le début de sa carrière, la parfaite parade pour combiner ses deux amours : le design et la musique. “C’était la meilleure façon de rencontrer Bryan Eno, précise Sagmeister, un vrai plaisir pour ce qu’il dit encore plus que pour sa musique.”
Plusieurs exemples de ces collaborations, dont certaines ont été couronnées de Grammy Awards, figurent dans l’expo.
Issu de la petite ville soporifique autrichienne de Bregenz à l’extrémité est du Lac Constance, à quelques encablures de la Suisse, Sagmeister se dit très attaché à sa ville natale.
A la suite d’études à Vienne, continuées à New York et couronnées par un passage à Hong Kong, il s’est installé de manière définitive dans la Grande Pomme en 1993.
Mais Stefan Sagmeister retourne régulièrement à Bregenz, la ville qui a également donné naissance, en 1997, au Kunsthaus Bregenz (KUB), le légendaire musée de Peter Zumthor. Sous des airs de fausse candeur, Bregenz montre une singulière audace, tout comme Sagmeister.
Affiche réalisée à l’occasion de deux expositions au Japon sur le travail de Sagmesiter. Pendant une semaine, il a ingurgité la somme des produits visibles, son poids passant de 81 à 92 kilos en 8 jours. Stefan Sagmeister, “GGG-DDD Poster”, 2003 © Stefan Sagmeister
Se réservant une soupape de compression, il disparaît régulièrement à Bali pour des périodes sabbatiques pendant lesquelles il refuse tout mandat, y compris celui de s’occuper de la première campagne présidentielle d’Obama, comme ce fut le cas. Actuellement là bas, il est venu quelques jours en Suisse à l’occasion du lancement de son exposition à Lausanne et d’une conférence à l’écal, l’école cantonale d’art de Lausanne. Sagmeister explique qu’il s’impose ces arrêts pour retrouver les repères de sa créativité.
La rétrospective lausannoise a la particularité d’être une carte blanche boomerang, où l’artiste concerné offre lui-même carte blanche à des personnes de confiance pour la réalisation d’un projet sur lui-même.
Ainsi, le zurichois Martin Woodtli, ancien collaborateur de Stefan Sagmeister, a été chargé du carton d’invitation, de l’affiche et du (superb) catalogue, alors que le collectif lausannois très en vue Big-Game a réalisé la scénographie de l’exposition.
Mais la personne pivot de cette entreprise, qui sera reprise par le musée des Arts Décoratifs à Paris du 13 octobre 2011 au 19 février 2012, n’est autre que la directrice du mudac de Lausanne, Chantal Prod’Hom, dont on soupçonne que les années auprès de la fondation Benetton, à laquelle a également été associé Sagmeister, ne sont pas complètement étrangères à ce choix.
“Ce qu’il y a de formidable dans le travail de Stefan, dit Chantal Prod’Hom, c’est ce qu’il raconte.”
« L’exposition est plus limpide et précise que si je l’avais élaborée moi-même, » conclut Stefan Sagmesiter en hommage à ses hôtes avant de reprendre l’avion pour Bali.
Réalisé à l’0ccasion d’une campagne de sensibilisation contre les coupes budgétaires du gouvernement américain, le bus dédoublé qui sillonait les Etats Unis s’est révélé un moyen de communication plus économique et efficace qu’une importante campagne d’affichage d’après son auteur. Stefan Sagmeister, « True Majority », 2004, Bus dédoublé © Stefan Sagmeister