Plus que quelques jours pour courir voir la superbe biennale d’arts visuels de Vevey. Sous le thème (dis)connected entre passé et futur, Stefano Stoll et son équipe nous plongent dans un univers où la photo se réinvente et s’affirme face à la technologie. Grande nouveauté de cette édition : de jeunes photographes invitent l’AI à recréer le passé, comme si la réalité ne suffisait plus.

Depuis 2008, Vevey devient chaque deux ans un musée à ciel ouvert. Le temps de trois semaines, jusqu’au 29 septembre, des œuvres d’artistes venus du monde entier, dont des vedettes de l’art, tapissent de leurs photos les espaces extérieurs et intérieurs de la ville au bord du lac : parcs, gare, cinémas, église, ancienne serrurerie, café et bibliothèque, chaque endroit devient un écrin, souvent décalé, qui magnifie les images.
Une mise en scène spectaculaire qui attire la presse internationale :
« … un des tout premiers festivals d’art visuels au Monde, » s’enthousiasme Le Monde.
« … photography transforms the town spaces with some ambitious and playful staging, » The Guardian.
Parmi les 50 artistes de 20 pays, voici une déclinaison pour aller à l’essentiel (choix personnel; les numéros sont ceux du programme officiel et sont reproduits sur la carte). Sinon, compter trois à quatre heures pour tout voir.
* Désigne mes scénographies préférées.
L’AI au service de la nostalgie
Ces jeunes photographes présentent des albums de famille inventés par l’AI en passant par le langage des souvenirs, comme si une réalité fabriquée pouvait ancrer l’imaginaire et satisfaire la nostalgie. Exercice futile, ou avenir de la photo ?
08. Alexey Chernikov

La fin d’une histoire d’amour entièrement créé par des « prompts » (instructions) adressés à l’AI, y compris le format Polaroid. L’intimité d’un couple fictif dans l’intimité de la Serrurerie.
09. Maisie Cousins

« Walking back to Happiness », souvenirs de vacances dans un parc de distraction, le bonheur réinventé dans un cabanon fluo au bord de l’eau,
12. Benjamin Freedman*

Reconstruction d’un road trip à l’aide de l’imagerie digitale CGI (Computer Generated Imagery) dans le sublime Verger du Château à la Tour-de-Peilz.
34. Maria Mavropoulou

Portraits de famille à l’ancienne auxquels il manque les visages, impossible à recréer en l’absence des originaux détruits. Quand le vintage est inventé de toutes pièces, devant la gare.
Les vedettes

Un road show à l’anglaise soumis à des robots gérés par des algorithmes dans la charmante église Sainte-Claire.
Un road show à l’anglaise soumis à des robots gérés par des algorithmes dans la charmante église Sainte-Claire.
17. Paul Graham

Les regards (aux yeux fermés) de passants avant l’ère des smartphones, portraits réalisés il y a 20 ans sur la 42è rue à New York. Ces images ont été projetées sur les écrans publicitaires géants de Times Square en mai, une installation artistique Images qui a beaucoup fait parler d’elle.
18. Andréas Gursky*

Photographie monumentale du glacier d’Aletsch face à la gare de Vevey, par une figure majeure de l’art, Prise 30 ans après un cliché initial au même endroit, avant la menace du changement climatique. Un constat cinglant.
20. Candida Höfer*

La fresque monumentale d’une bibliothèque à l’heure de la dissolution virtuelle des savoirs par la photographe influente, sur la façade de l’ancienne prison de Vevey.

Grand DJ des images, qu’il orchestre comme des notes de musique. La projection de Doors a lieu dans la salle vintage du cinéma Astor.
35. Aleksandra Mir*

L’artiste conceptuelle sort de sa retraite pour concocter un dessert veveysan à l’occasion de la présentation de son immense avion gonflable à la Salle Castillo.
36. Daido Moriyama

En collaboration avec Photo Elysée, l’énigmatique photographe japonais présente une de ses œuvres les plus emblématiques placardée en bordure des Trois Couronnes.
Les plus drôles
03. Beni Bischof*

Entre dystopie et joie de vivre, une DeLorean électrique dans le parking de l’ancienne Serrurerie revient vers le futur.
32. Romain Mader*

Le résultat hilarant du dictat des algorithmes pour se vêtir en ligne, le long du lac et au cinéma Astor.
38. Martin Parr

Le joyeux luron britannique de la photo candide dévoile son travail pour l’industrie de la mode le long du Rivage.
Les plus touchants
05. Sarah Carp

La recréation fictive des portraits de ses enfants face à la censure du père, accueillie au Parc du Panorama où jouent d’autres enfants.
10. Debsuddha

Portrait intime du monde secret de ses tantes albinos au Musée Jenisch. Renversant.
11. Tony Docekal*

Vies à la dérive, mais âmes résilientes dans les basfonds de Los Angeles à la Serrurerie. Une belle leçon d’humanité.
13. Anna Gali

La perte insoutenable de son enfant arraché par la drogue, au Musée Jenisch. Une fresque délicate et pudique.
37. Chino Otsuka

Accueillir le souvenir de son enfance dans sa vie d’adulte. Comme une brise d’été dans le Jardin de Nestlé.
Les plus troublants
26. Sasha Kurmaz

L’intimité crue de la guerre en Ukraine. Un cri déchirant au Musée Jenisch.
40. Zosia Prominska

Des enfants déjà sous contrat pour devenir mannequins doivent attendre avant d’avoir le droit de travailler. Ils sont photographiés dans leurs chambres d’enfant par une ancienne mannequin qui sait déjà que leur innocence est en péril. Appartement galerie à la gare.
41. Marianna Roten

Coup de cœur pour ce petit film autobiographique qui casse avec humour les clichés de la fémininité et du mannequinat. Dépendance du Trois Couronnes.
49. Nora Rupp

Portraits caméléon à la Cindy Sherman, un côté technicolor en plus, joliment présentés dans une bibliothèque-café.
La beauté inattendue
13. Carlos Garaicoa

Une symphonie recomposée par une mosaïque de musiciens de rue. Magnifique chevauchement de sons et images au Théâtre de l’Oriental.
28.Jung Lee*

Un seul mot « LOVE » sur la façade entière d’Energiapro, haute de plusieurs dizaines de mètres, comme un défi à la morosité. Une superbe réactualisation de l’invitation de Felix Gonzalez-Torres.
22. Vincent Jendly**

Comme suspendus dans le ciel, les bateaux de la flotte Belle Epoque flottent devant l’immense paquebot du bâtiment Nestlé, chef d’œuvre de l’architecte Jean Tschumi.

GRATUITÉ
Comme chaque année, toutes les expositions sont gratuites, durant toute la durée de la Biennale.
HORAIRES
Les expositions en intérieur sont accessibles tous les jours de 11:00 à 19:00.
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